Descendu en ville vendre sa récolte, il la voit,
Françoise, en pantalon d'été,
se tourner vers lui et revenir
palper les prunes gonflées :
une dans chaque main douce, à hauteur de sa poitrine
et puis, là-dessus, des yeux qui l'enveloppent
dans un silence rehaussé de couleurs,
de vertes instances et de jaunes pulsions.

Cet enlacement de vrilles est promesse de gain net,
supplément qu'on met de côté, qu'on engrange ;
moisson rapides : il n'y a qu'à replier l'étal,
descendre les cageots et enrouler la bâche ;
don du ciel : se laver les mains, la suivre
dans le sillage de ses senteurs
de melons pleins de sève, de baies éclatées.

Elle fait demi-tour, laissant un parfum
comme en laissent les mottes luisantes qui glissent de la bêche.
L'envie qu'il a ignore
le temps de planter et de cultiver
et d'attendre que vienne la pluie.
Pourtant il sait rattraper au vol une pêche qui tombe.
L'éclair de son poignet
lui coûte l'instant où elle disparaît dans la foule :
reste cette pêche parfaite dans sa main,
unique et tangible fin d'une riche saison.

Prunes du matin, se dit-il,
feront bonne fortune.