Madame, vous étiez petite,
J'avais douze ans ;
Vous oubliez vos courtisans
Bien vite !
Je ne voyais que vous au jeu
Parmi les autres ;
Mes doigts frà´laient parfois les và´tres
Un peu...
Comme à la première visite
Faite au rosier,
Le papillon sans appuyer
Palpite,
Et de feuille en feuille, hésitant,
S'approche, et n'ose
Monter droit au miel que la rose
Lui tend,
Tremblant de ses premières fièvres,
Mon coeur n'osait
Voler droit, des doigts qu'il baisait,
Aux lèvres.
Je sentais en moi, tour à tour,
Plaisir et peine,
Un mélange d'aise et de gêne :
L'amour.
L'amour à douze ans ! Oui, madame,
Et vous aussi,
N'aviez-vous pas quelque souci
De femme ?
Vous faisiez beaucoup d'embarras,
Très occupée
De votre robe, une poupée
Au bras.
Si j'adorais, trop tà´t poète,
Vos petits pieds,
Trop tà´t belle, vous me courbiez
La tête.
Nous menâmes si bien, un soir,
Le badinage,
Que nous nous mîmes en ménage,
Pour voir.
Vous parliez de bijoux de noces,
Moi du serment,
Car nous étions différemment
Précoces.
On fit la dînette, on dansa ;
Vous prétendîtes
Qu'il n'est noces proprement dites
Sans à§a.
Vous goà»tiez la plaisanterie
Tant que bientà´t
J'osai vous appeler tout haut :
Chérie,
Et je vous ai (car je rêvais)
Baisé la joue ;
Depuis ce soir-là je ne joue
Jamais.
Enfantillage
Rene Francois Armand Prudhomme
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