Cette robuste souche en moi résiste
comme pierre sous les coups,
sous un rite que je perçois :
la cognée aveuglante
brandie      suspendue,
impondérable dans l'instant
indéchiffrable
avant que j'y reconnaisse mon bras ;
je m'y investis, j'agrippe
le manche gonflé, moite sous mes paumes,
le choc m'ébranle,
et tombe la différence.

En moi sont des rejets
que je porte au billot-
broussaille envahissante
aspirant à l'essor
par chacun des rameaux de mon corps-
tous si sûrs d'eux-mêmes,
qui s'exercent, comme autant de douleurs,
à l'art de l'être.

Ils tentent de s'arracher à moi
avant que je n'atteigne cette souche
avec eux, mes rejets,
qui      s'étiolent
dans son éclat,
dans la lumière de mes paroles :
« Ce billot il me faut
l'atteindre, il le faut ! »

Ils savent la sauvage besogne
qui occupe mon esprit ;
je sais, moi, qu'ils n'ont ni charité nim émoire
pour retourner d'où ils viennent,
eux qui ne proviennent de solitudes
ni de forêts,
ni d'arbres vifs.

C'est leur art, leur force, ainsi que
          mon art, ma force,
que je mets à l'épreuve du billot.